L'anaphore est LA dernière figure de style à la mode. Finie la métaphore ou l'allégorie désormais, l'anaphore fait un retour en force.
En effet, suite au débat lors des élections présidentielles de 2012, Mr François Hollande a proclamé une tirade commençant systématiquement par "Moi, président de la République...". Depuis ce jour, les journalistes n'ont plus que le mot "anaphore" à la bouche. Mais qu'est-ce qu'une anaphore?
Je suis d'abord allée voir sur le net et sur le site Wikipédia, voici la définition de l'anaphore:
"L'anaphore (substantif féminin) (du grec ancien ἀναφορά / anaphorá (« reprise, rapport »)), est une figure de style qui consiste à commencer des vers, phrases ou ensembles de phrases ou de vers, par le même mot ou le même syntagme. Elle rythme la phrase, souligne un mot, une obsession, provoque un effet musical, communique plus d'énergie au discours ou renforce une affirmation, un plaidoyer, suggère une incantation, une urgence. Syntaxiquement, elle permet de créer un effet de symétrie."
Je traduis: En gros, une anaphore c'est un effet de répétition qui se situe en général en début de phrase.
Jusque-là, je comprends mieux et en naviguant sur d'autres sites la définition est confirmée sauf que...Un doute subsiste en moi.
J'ai donc décidé de pousser la recherche grâce à un vieil ami le Dictionnaire de Rhétorique de G.Molinié. Fidèle compagnon de mes années fac et recommandé par plusieurs de mes professeurs à l'époque, nous avons tout deux analyser moultes textes et figures de style. Voici la définition que j'ai trouvé pour l'anaphore dans ce livre:
"Une anaphore est une figure de type microstructural, variété de répétition; on peut même dire que l'anaphore est la variété la plus élémentaire de répétition. C'est donc une figure qui joue matériellement et uniquement sur le son des termes. Il y a anaphore lorsque, dans un segment de discours, un mot ou un groupe de mots est repris au moins une fois, tel quel, à quelque place que ce soit."
L'idée de répétition est bien là mais on précise que cette répétition peut se trouver n'importe où dans le texte. Je vous épargne l'exemple et son analyse mais un peu plus loin, on met en rapport l'anaphore avec une certaine épanaphore.
Ni une ni deux, je vais chercher la définition de l'épanaphore (je voudrais pas mourir idiote quand même). Voici la définition selon le Dictionnaire de rhétorique:
"Une épanaphore est une figure de style microstructurale, variété de répétition. Elle consiste en la reprise exacte, en la même place syntagmatique absolument initiale, des mêmes éléments. Quand la place des éléments répétés n'est pas fixe, on a une simple anaphore."
Donc, si je suis le raisonnement, la tirade lors du débat serait une épanaphore et non une anaphore?!
Vérification de la définition d'épanaphore sur Wikipédia:
"Une épanaphore (substantif féminin) (du grec ancien ἐπαναφορά / epanaphorá (« reprise, rapport »)) est une figure de style consistant en la répétition d'une même formule au début de phrases ou de segments de phrase successifs, dans la même structure syntaxique.Proche de l'anaphore et de l'épanode, elle s'en distingue néanmoins dans le sens où elle reproduit la structure syntaxique à l'identique."
Bingo!
Si je suis mon raisonnement, la figure de style utilisée lors du débat serait une épanaphore. OK, je coupe les cheveux en quatre, ceci n'est que de la terminologie littéraire mais franchement, je trouve qu'avant de balancer des mots comme ça, on ferait mieux d'en vérifier la définition. Certes nous avons bien eu à faire à une anaphore (dans le sens de la répétition) mais selon moi (et ce n'est que mon opinion) c'était une épanaphore (dans le sens où la répétition est en début de phrases et suit une syntaxe identique).
Pour clore ce débat, laissons s'exprimer de belles plumes. Voici quelques exemples d'anaphore/épanaphore:
« Patience, patience,
Patience dans l'azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d'un fruit mûr ! »
Patience dans l'azur !
Chaque atome de silence
Est la chance d'un fruit mûr ! »
— Paul Valéry, Palme in Charmes
« Rome, l'unique objet de mon ressentiment !
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! »
Rome, à qui vient ton bras d'immoler mon amant !
Rome qui t'a vu naître, et que ton cœur adore !
Rome enfin que je hais parce qu'elle t'honore ! »
— Corneille, Camille dans Horace, acte IV, scène 5
« Mon bras, qu'avec respect toute l'Espagne admire,
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire »
Mon bras, qui tant de fois a sauvé cet empire »
— Corneille, Le Cid, acte I, scène 4
« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant »
Vingt et trois qui donnaient le cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s'abattant »
— Louis Aragon, Strophes pour se souvenir
1 commentaire:
Regarde les chansons d'Alanis Morissette, elles en sont souvent truffées!! :-D
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